Procès du 28 novembre : Soutien aux défenseurs de l'eau par les Conf en AURA

Les Confédérations Paysannes des départements de l'Allier, du Cantal, de la Haute Loire, de la Loire, du Rhône et du Puy de Dôme se sont réunies ce 28 novembre 2023 sur la ferme des Raux à Gerzat pour signifier leur soutien aux 9 prévenus du procès des défenseurs de l'eau au tribunal correctionnel de Niort, dont font partie trois paysans confédérés. A Gerzat, les représentants des confédérations paysannes présentes ont pu témoigner des enjeux de partage de la ressource en eau dans chaque département, dont les projets de méga-bassines du Puy de Dôme. La visite de la ferme accueillante fut également l'occasion d'échanger sur les pratiques d'irrigation soutenables sur une ferme céréalière, de choix des cultures et d'agroforesterie.
A Bourg-en-Bresse, un rassemblement devant la maison de la justice et des droits a également été organisé par la Confédération Paysanne de l'Ain. Plus de 500 personnes étaient également rassemblées devant le tribunal de Niort.
PAS DE MÉGABASSINES NI DANS LES DEUX SEVRES NI EN AUVERGNE-RHONE-ALPES
Deux projets de méga-bassines de 15 et 18 hectares sont à l'étude dans le Puy de Dôme : ce sont parmi les plus grands projets de mégabassines à ce jour. Elles seraient alimentées par pompage dans l'Allier en période hivernale et devraient desservir 800 hectares de terres pour l'instant non irriguées. Cela correspondrait à une capacité totale de 2,3 millions de m3 d'eau pompés dans l'Allier, l'équivalent de la consommation d'eau annuelle de 42.600 personnes. Un projet est en cours d'études techniques et environnementales, l'autre a été mis en pause le temps de trouver un nouveau lieu d'implantation (le terrain choisi initialement étant trop saturé en eau).
LES MÉGA-BASSINES NE SONT PAS UNE SOLUTION
L'eau stockée dans les méga-bassines est une eau qui se serait infiltrée dans les sols (et jusqu'à la nappe) ou aurait ruisselé dans les cours d'eau. Souterraine ou courante, cette eau vient alimenter son cycle naturel et vivant et répond à divers besoins vitaux (sols, plantes, animaux) des cycles biologiques naturels. En la stockant on la prélève du milieu qui ne reçoit donc plus la quantité nécessaire pour répondre à ses besoins et à ceux de l'agriculture. Par ailleurs, on la rend stagnante alors qu'elle était courante : l'eau s'évapore et sa qualité se dégrade (eutrophisation).
LES FINANCEMENTS PUBLICS INCITENT LES AGRICULTEURS À PRÉLEVER PLUS D'EAU
Les méga-bassines sont très subventionnés : dans le Puy de Dôme cela correspondait à 70% d'un coût de 25 millions d'euros financé par la Région et l'Union Européenne. Pourtant les financements publics doivent en premier lieu inciter les paysans à s'engager dans des systèmes qui limitent leurs impacts sur la ressource en eau, en quantité et en qualité. L'encouragement de systèmes agricoles toujours plus gourmands en eau est dangereux pour la pérennité de l'activité agricole qui doit préserver son outil de travail. Ici, l'usage de méga-bassines s'accompagnerait de plus importants prélèvements d'eau qu'auparavant, et le remplissage complet des bassines n'aurait pas été garanti ces dernières années en raison du débit insuffisant de la rivière.
LES MÉGA-BASSINES PROFITENT À UNE AGRICULTURE INTENSIVE ET EXPORTATRICE
La majeure partie des porteurs des projets puydomois sont des céréaliers (89 %). Malgré la première répartition annoncée des cultures concernées (dont des plantes aromatiques et médicinales, et de l'ail, qui n'ont pas de grands besoins en eau), il est très probable qu'à terme, les cultures irriguées soient majoritairement des grandes cultures de céréales et notamment du maïs, destinées à la production de semences et à l'exportation. Limagrain, groupe semencier international clermontois, ne finance pas directement la construction des bassiness, mais rémunère bien mieux les surfaces irriguées de ses coopérateurs (dont font partie 16 irrigants des bassines, parmi lesquels 3 dirigeants de Limagrain), et a mis en place un fonds de soutien pour financer de futures nouvelles structures de stockage d'eau.
QUELLE SOLIDARITÉ ENTRE TERRITOIRES ET AGRICULTEURS ?
Les pompages prévus actuellement semblent peu à même d'impacter fortement à eux seuls l'Allier (si le cahier des charges est respecté), mais en présence de plusieurs ouvrages de ce type, l'impact cumulé pourrait très vite devenir problématique. Limagrain, dans un rapport en date du 20 mai 2022, expose ainsi un besoin supplémentaire de 20 millions de m3 d'eau sur la Limagne (une dizaine de fois le projet existant). A l'échelle de notre région et du bassin-versant, se pose donc la question de la solidarité entre territoires et entre agriculteurs, mais aussi de s'assurer de pouvoir répondre à des besoins essentiels : production d'eau potable et refroidissement des centrales nucléaires de la Loire notamment.